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Déminage à Gaza : sous les ruines de l’enclave, la guerre continue

Les restes d'un obus enfouis dans le sable à Gaza.
UN News
Les restes d'un obus enfouis dans le sable à Gaza.

Déminage à Gaza : sous les ruines de l’enclave, la guerre continue

Paix et sécurité

Moins de deux semaines après l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu fragile à Gaza, les démineurs de l’ONU avancent parmi les ruines d’une enclave meurtrie. Des milliers d’engins explosifs hérités de deux ans de guerre menacent désormais les civils qui tentent de reconstruire leur vie.

« Des décennies d’expérience nous ont appris que lorsqu’un conflit s’achève, les munitions non explosées continuent de mutiler et de tuer », a prévenu mardi Luke David Irving, chef du service de déminage de l’ONU (UNMAS) dans le territoire palestinien occupé, lors d’un point de presse. « Gaza ne fait pas exception ».

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Depuis octobre 2023, date de début du conflit entre Israël et le Hamas à Gaza, son agence a recensé 328 victimes de mines terrestres et autres engins explosifs improvisés – morts et blessés confondus –, un chiffre que M. Irving estime « fortement sous-évalué ». 

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 42 000 personnes ont subi des blessures invalidantes au total dans l’enclave palestinienne. « Rien qu’en début de mois, cinq enfants ont été blessés, deux très grièvement, après avoir manipulé des restes d’armes dans les décombres », a rapporté M. Irving.

Une reconstruction difficile

À mesure que les habitants regagnent leurs foyers, la menace s’accroît. Sous les amas de béton et de ferraille, les bombes dormantes n’ont que faire des accords de paix. « Le risque augmentera dans les jours, semaines et années à venir, à mesure que les gens essaieront de récupérer ce qui reste de leurs maisons et que les enfants joueront dans les zones touchées par les combats », a averti le responsable onusien.

Depuis la conclusion d’un accord de cessez-le-feu négocié par les États-Unis, le 10 octobre, ses équipes ont identifié pas moins de 560 engins explosifs dans les secteurs accessibles. Ce n’est qu’un début. « Nous ne connaîtrons l’ampleur réelle de la contamination qu’une fois une enquête complète menée », a-t-il expliqué.

L’UNMAS estime entre 50 et 60 millions de tonnes la masse de débris à déblayer, qui regorgent souvent de munitions. Pour avancer, les démineurs sécurisent d’abord les axes vitaux : routes, hôpitaux, stations d’eau, boulangeries. « La priorité, ce sont les infrastructures vitales, celles qui permettent le retour à une vie normale », a-t-il souligné.

Manque de fonds

Le programme a reçu près de cent demandes d’assistance depuis la trêve, soit une dizaine par jour. Mais ses ressources demeurent limitées. « Si nous recevions 14 à 15 millions de dollars supplémentaires, nous pourrions engager quarante-cinq nouveaux opérateurs pour les six prochains mois », a indiqué M. Irving.

Parmi les principaux bailleurs du service antimines figurent l’Union européenne, la Pologne, le Portugal, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée et la Suisse. Ces financements, rappelle-t-il, « sont essentiels pour permettre à l’aide humanitaire et à la reconstruction d’avancer ».

Depuis mars, l’agence a produit 400 000 supports de sensibilisation – dépliants, affiches, autocollants – dont la plupart sont déjà distribués dans les abris et les centres de santé. Plus de 460 000 personnes ont ainsi été atteintes par des messages de prévention.

Des questions sensibles

Interrogé sur la coopération des autorités israéliennes avec son service, Luke David Irving a préféré rester évasif : « Il existe un effort collectif pour faire avancer le cessez-le-feu et créer les conditions pour que les ONG puissent entrer ». Même prudence lorsqu’il s’agit d’identifier l’origine des munitions enfouies dans l'enclave : « Toutes les parties ont utilisé des armes explosives », a-t-il simplement répondu, omettant de désigner des fournisseurs.

À ceux qui demandent des comptes, il oppose une autre urgence : celle de sauver des vies. « Il est essentiel de concentrer nos efforts sur l’information des populations et sur la neutralisation de ces engins avant qu’ils ne fassent d’autres victimes », a-t-il insisté.

« Un travail long, dangereux et nécessaire »

À Gaza, les démineurs de l’UNMAS avancent à pas comptés dans un territoire blessé, miné de pièges invisibles. « C’est un travail long, fastidieux et dangereux », reconnaît Luke David Irving. « Mais le déminage humanitaire est indispensable pour permettre l’acheminement de l’aide et la reconstruction. Nous devons agir vite et à grande échelle pour sauver des vies ».

Sous les gravats de Gaza, donc, la guerre se poursuit, menaçant chaque jour la paix fragile que les hommes s’efforcent de bâtir.